lundi 6 décembre 2010

Premiers pas : Edouard Herriot et les pièges du net

« Premiers pas » : ça aurait pu être le nom d’une nouvelle couche Pampers, mais non, c’est une rubrique d’histoire numérique, que j'ai décidé de mener cette semaine sur le ton de l'humour. Le principe : tenter de déjouer les pièges du net pour trouver des informations sur un objet historique. Pour ce premier essai, j’ai donc choisi – roulements de tambour – Edouard Herriot. Oui, je sais, c’est pour le moins inattendu. Rentrons donc sans attendre dans le vif du sujet.

Premier humour

Prenons donc un historien amateur débutant. Pour plus de facilité, nous l’appellerons Lucas – c’est un clin d’œil au public des couches Pampers, qui a sans doute été un peu déçu après un titre prometteur. Lucas désire donc trouver des informations sur son idole, la légende du radicalisme lyonnais, Edouard Herriot. Oui, Lucas est un jeune homme fantasque. Aidons donc Lucas dans ses recherches…

Homonymie

Première étape, Lucas veut découvrir qui est Edouard Herriot. En effet, il ne connait pour l’instant de son idole que le visage moustachu accompagné d’une liste impressionnante de titres – de « maire de Lyon » à « Président de la Chambre » en passant par « Président du Conseil » – qui semble jaillir du mur d’enceinte du cimetière de Loyasse. Suffisant pour faire naître une passion dévorante, mais un peu léger pour assouvir la soif de connaissance qui s’ensuit. Comme tout internaute qui se respecte, Lucas ouvre donc son navigateur faisant apparaitre sa page d’accueil : lequipe.fr Google. Là, sûr de son fait, il tape dans la barre de recherche : « Herriot ». Sans le savoir, Lucas vient de tomber dans un des pièges les plus redoutables du web : l’homonymie. En effet, au lieu de lui proposer une biographie de celui qui fut maire de Lyon de 1905 à 1957 – exception faite, bien sûr, des années de l’Occupation –, son navigateur n’a d’yeux que pour James Herriot, célèbre vétérinaire et écrivain anglais de la fin du siècle dernier. Lucas apprend de son échec l’importance de la précision de la requête, surtout lorsqu’on recherche un nom propre. Il retente donc sa chance en écrivant cette fois « Edouard Herriot ». Bien sûr, il lui reste à faire le tri entre l’homme et les divers établissements qui portent son nom, mais la plupart des réponses sans rapport avec le leader radical ont disparu.

Pertinence, référencement et vérité vraie : Wikipédia ou les malheurs de la vertu historienne…

Comme nous l’avons dit, Lucas est un débutant. Il est donc normal qu’il fasse dans un premier temps des erreurs de débutant. Il est en effet une sirène au chant si doux que même le plus vaillant des chercheurs se laisse parfois tenter : Wikipédia. Ne versons pas ici dans la critique facile. Il est vrai que plusieurs témoins affirment avoir trouvé sur la célèbre encyclopédie en ligne des articles justes, précis, bien documentés et citant leurs sources. Sur Cristiano Ronaldo, notamment. Mais dans le cas qui nous intéresse, pas de chance, l’article sur Herriot est plein d’erreurs (environ autant que de dollars sur le compte en banque de Bill Gates). Au point que j’en ai même été choqué, et que je n’en tire qu’une conclusion : n’utilisez Wikipédia que si vous êtes sûr de pouvoir vous-même écrire l’article que vous désirez consulter.
Heureusement, nous sommes là pour guider Lucas, et nous lui expliquons que le référencement d’une page sur Google ne dépend en rien de sa qualité et de sa légitimité, mais seulement du nombre de fois où elle a été vue, or Wikitruc jouit malheureusement d’une très grande réputation chez les internautes. Pour une première approche biographique, nous conseillons donc à Lucas de tourner vers des articles dont on sait, à défaut d’en connaître l’auteur, qu’ils ont été vérifiés par des personnes compétentes. C’est le cas –on peut du moins l’espérer – des bases bibliographiques de l’Assemblée Nationale , des Archives de Lyon et de l’Académie Française. On trouve, notamment pour le premier des trois sites susnommés, de très bonnes indications biographiques, incluant même, toujours pour le site de l’Assemblée Nationale, une vidéo.
Cette vidéo nous donne l’idée de conseiller à Lucas d’aller faire un tour sur Google Images et Google Vidéos. D’une part, cela permet de mieux se représenter l’homme derrière la fonction, de mettre un visage et une voix sur le nom Edouard Herriot. D’autre part, les vidéos, notamment, donnent une bonne idée de l’aura du personnage dans les dernières années de sa vie. Sur ce point, Google nous redirige d’ailleurs sur le site de l’INA, ce qui est une très bonne chose, puisqu’on y trouve de très nombreuses vidéos d’archive sur Herriot.

Doudou : un homme rare et discret

Lucas l’a remarqué, Herriot est un homme discret, au sens où il est difficile de trouver des informations à son sujet sur le net sans savoir où chercher. Après l’avoir laissé patauger un moment, donnons-lui quelques pistes…
Sur Herriot, on trouve avant tout en ligne des références bibliographiques. Ainsi, le moyen le plus efficace d’obtenir des informations est sans doute de chercher des titres sur un catalogue en ligne comme celui du SUDOC (à condition d’avoir accès aux bibliothèques universitaires) ou de la Bibliothèque municipale de Lyon. On pourra aussi chercher des articles sur des sites comme revues.org, Persée ou Cairn, qui mettent en ligne les articles concernés.
Deuxième type d’informations, les archives accessibles en ligne. En effet, les Archives municipales de Lyon ont mis gratuitement à disposition des internautes les archives des délibérations des Conseils municipaux. Les archives du Bulletin officiel de la ville devraient suivre bientôt.
Troisièmement, internet permet d’entrer en contact avec des personnes qui connaissent bien le sujet, notamment l’association des Amis d’Edouard Herriot et le Cercle Edouard Herriot, qui en est l’émanation.
Enfin, j’ose en toute modestie signaler que mon mémoire de M1, Lyon, Herriot, les droites. 1953-1956, est disponible en ligne au format PDF ici.

En résumé

Lucas a donc appris à se méfier des pièges de Google et de Wikipédia. Nous publions en accord avec lui les pistes de recherche qu’il a retenues :

Herriot sur le net, c’est :
  •      Des biographies sommaires, sur le site de l’Assemblée Nationale notamment et en évitant Wikipédia.
  •      Des images et vidéos d’archives, accessibles soit par les moteurs dédiés de Google, soit directement sur le site de l’INA, pour les vidéos.
  •     Des références bibliographiques sur des catalogues en ligne d’ouvrages ou d’articles.
  •     Des archives en ligne, sur le site des Archives municipales de Lyon, notamment.
  •     Des personnes qui s’intéressent au sujet et créent des sites dédiés.
  •     Des travaux publiés en ligne. Même si pour l’instant il n’y a que mon mémoire de M1, la mise en place prochaine d’un site d’histoire de Lyon pourrait améliorer la situation.


Comme quoi, malgré le faible nombre de résultats pertinents sur Google, on peut, même pour un sujet « rare » en ligne comme Herriot, trouver beaucoup de choses lorsqu’on sait où chercher. N'est-ce pas, Lucas ?

6 commentaires:

  1. Au fait, quand je cherche 'Dreyfus' dans le catalogue de la BNF, je tombe sur un bouquin antisémite qui se fait passer pour un livre d'histoire. À qui se fier?

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  2. Je me demande bien, surtout quand je reçois des commentaires anonymes sur mon blog...

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  3. Nice post, même si les dollars de BG sont probablement infiniment plus nombreux que le nombre de lettres dans l'article de E. Herriot...

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  4. Du coup, quelles sont les solutions pour chercher (enfin, surtout trouver) des informations de valeurs de maniere globale, et sur n'importe quels sujets? J'ai du mal a trouver des sites qui benefient d'un certain credit, Google proposant les sites les plus viosionnes, a defaut des sites les plus pertinents. Des outils, Monsieur Sambuis, pour une brebis egaree sur la toile?

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    1. Eh bien, ça dépend déjà de ce que tu cherches... Comme le montrait en 2006 l'historien américain Roy Rosenzweig dans un article passionnant mais un peu long (http://chnm.gmu.edu/essays-on-history-new-media/essays/?essayid=42), wikipedia contient, sur des sujets relativement populaires (donc pas Edouard Herriot, à mon grand dam), moins d'erreurs que des sites institutionnels reconnus comme la National Biography of America. On peut donc l'utiliser sans trop de risques notamment pour les informations factuelles de base, parce que de nombreux internautes vérifient régulièrement la qualité des articles (il y a des passionnés). C'est quand des questions font débat que le problème se pose, le site ayant choisi de privilégier une sorte d'équilibre de la neutralité, sans forcément donner le primat aux théories scientifiquement prouvées, comme dans le cas du darwinisme . Bref, ça dépend de ce que tu cherches, mais une chose est sure : si tu ne trouves vraiment rien de satisfaisant, tu peux toujours contacter le Guichet du Savoir (http://www.guichetdusavoir.org/), un service de la bibliothèque municipale de Lyon. Des bibliothécaires pourront répondre à ta question en effectuant une recherche ou en te redirigeant vers une réponse plus ancienne. J'ai une affection toute particulière pour ce site génial. Bref, ma réponse, en gros, c'est que ça dépend ;)

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