mercredi 5 octobre 2011

Googling Lyon #4 (bonus) : les Archives du Rhône en ligne, par Yann Sambuis

Après une longue période de sommeil, les Archives départementales du Rhône (ADR pour les intimes) m’ont poussé à me remettre au travail (en fait, je travaille beaucoup, c’est même pour ça que les deux blogs, yannsambuis et Digital Lugdunum, sont en sommeil) en mettant en ligne, il y a quelques temps déjà, le site qu’on nous promettait depuis longtemps. Site que je me suis empressé de tester pour vous…

Une première impression agréable

On le voit immédiatement, les ADR ne se sont pas moquées de nous. La page d’accueil est très agréable. Les couleurs n’agressent pas l’œil, l’ensemble est lumineux et aéré. Certes, nous ne sommes pas là pour décerner un prix d’esthétique, mais pour un site où l’on risque de passer de longues heures de recherche, ça compte. Un seul choix peut étonner, celui du nuage de termes qui apparait en haut de la page et occupe une large place. On ne sait pas selon quel critère sont classées les rubriques (nombre de clics, abondance des fonds numérisés, taille aléatoire ?) et le choix de la disposition en nuage à pour conséquence de mettre en avant certaines catégories au détriment des autres.  Mais la première impression est globalement très bonne et donne envie de pousser plus loin.

Une navigation fluide et (presque toujours) bien pensée

Plusieurs manières de naviguer sur le site sont possibles. Elles correspondent chacune à un type d’usage et d’utilisateur, permettant à tous (historiens, généalogistes, amateurs…) de trouver leur bonheur. La page est en gros découpée en trois « blocs » : les outils d’accès aux fonds, les outils de recherche thématique et les menus de haut et bas de page, qui réservent des surprises agréables.

Naviguer dans les fonds
Le premier outil de navigation est un gros bloc gris clair, placé juste sous le nom du site, qui permet de naviguer directement dans les fonds. Les « Archives numérisées », sur lesquelles nous reviendrons, sont accessibles soit par le biais du nuage de rubriques, soit par un menu déroulant. Chaque rubrique offre un outil de recherche qui lui est propre (par année, par ville, par nom de personne, etc., selon le type de document). La rubrique « Toutes les archives » permet d’effectuer une recherche par sujet, lieu, personne, date ou cote. Concernant ce premier outil de navigation, on note un défaut : on ne peut pas utiliser le bouton « page précédente » du navigateur, et on est donc obligé d’utiliser le bouton « Retour », qui renvoie vers la page d’accueil. Ce petit problème n’est pas rédhibitoire, mais il oblige à prendre des précautions…

Penchons-nous maintenant de plus près sur les archives numérisées elles-mêmes, contenu le plus à même d’intéresser les historiens 2.0 que nous sommes. Bien sûr, les fonds accessibles sont encore limités. J’ai eu l’occasion de visiter la salle où les documents sont numérisés, c’est un travail de longue haleine…
Les documents disponibles sont néanmoins bien présentés. Chaque fond est accompagné d’une courte note descriptive, et le bouton « + d’infos » permet notamment de voir le document dans son contexte (place dans le dossier…) et d’obtenir sa cote. On peut en outre trier les résultats de recherche par date, type ou pertinence.
Enfin, l’outil de visualisation des documents est satisfaisant. On peut manipuler les documents, zoomer (la définition est bonne), feuilleter un dossier… Il ne manque que la possibilité de télécharger les images, mais une solution de rechange a été trouvée, nous y reviendrons. Pas d’océrisation, bien sûr. C’est regrettable mais, la plupart des documents étant manuscrits, le chantier aurait été colossal.
Bref, malgré le peu de documents disponibles pour le moment, l’outil d’accès aux fonds numérisés est très prometteur, une sorte d’évolution de celui des Archives municipales de Lyon.

Des outils accessibles à tous
En-dessous du premier bloc, on en trouve un second, lui aussi très facilement repérable et intitulé « Vous recherchez ». Il propose quatre entrées illustrées par des icônes : « une personne », « un lieu », « un thème » et « une période ». Ces quatre catégories sont très différentes et nous allons donc les traiter séparément…
« Une personne » et « un lieu » proposent des conseils de recherche pour la biographie, la généalogie, ou encore la recherche d’informations sur un bâtiment. Ces rubriques sont de véritables mines d’or. Les conseils, destinés à l’amateur, sont judicieux et de multiples liens en surbrillance permettent d’accéder aux fonds ou à des outils de recherche.
« Un thème » conduit à une page qui recense différentes thématiques. Cliquer sur l’une d’entre elles permet d’accéder à un arbre de sous-rubriques qui permet d’affiner la recherche par étapes successives jusqu’à la liste des fonds à consulter sur un point précis. L’arborescence est bien conçue, très ergonomique, avec la possibilité de revenir en arrière. On regrettera seulement que le premier menu de 13 thèmes reste apparent, ce qui peut être encombrant sur un petit écran.
Enfin, « une période » permet d’accéder à ce qui est, pour moi, l’une des plus belles ressources du site : une frise chronologique interactive. En cliquant sur l’une des 5 périodes proposées, on peut « zoomer » sur la frise pour voir s’afficher quelques dates clefs. On accède en outre, en-dessous de la frise, à une arborescence de thèmes similaire à celle de l’outil « un thème » pour chaque période. C’est pour moi l’outil de navigation le plus ergonomique et le plus sympathique, celui qui utilise le mieux les possibilités du web.
Dans l’ensemble, ces quatre outils très bien conçus, s’ils sont plus destinés à l’amateur qu’à l’historien professionnel, qui préférera naviguer directement dans les fonds, sont pour moi le principal atout du site.

Les trésors cachés du pied de page
Dernier « bloc », le haut et le bas de la page… Le bas reprend en fait une sorte de plan du site. Le « Plan des recherches » correspond aux outils traités plus haut. Les « Infos pratiques » reprennent le tout petit menu déroulant situé en haut à droite de la page, et qu’on voit à peine à coté de l’outil d’accès aux fonds et d’un diaporama à fonction purement décorative. Ce menu renferme le dernier « trésor » du site : aux cotés des informations classiques (coordonnées, plan d’accès, agenda…), il propose une rubrique « Outils de recherche ». Cliquer permet d’accéder à une page aux contenus hétéroclites classés en trois onglets. Le premier permet de télécharger les fascicules « Clés de la recherche » disponibles au format papier aux archives. Le second, « Listes et cartes », permet d’accéder à des documents aussi divers qu’utiles, de la liste des archivistes du Rhône à la carte des sections cadastrales de Vaise. Encore une véritable mine d’or qui souffre de ne pas être plus mise en avant sur la page d’accueil. Le troisième et dernier onglet, « Références », est comme son nom l’indique une liste de références bibliographiques assez anciennes (XIXe siècle surtout) avec pour chacune d’elle un lien vers Gallica permettant de consulter gratuitement l’ouvrage en ligne. Une très bonne idée.
Enfin, le pied de page propose des liens vers les pages des ADR sur Twitter et Flickr et un flux RSS. De quoi ravir les adeptes de la digital history, d’autant que l’activité semble assez intense sur le compte Twitter. Encore une très bonne idée et un signe de la volonté des ADR d’entrer de plain-pied dans l’ère du numérique.

Le compte personnel : la bonne idée des ADR
Nous terminerons ce test en rendant hommage aux ADR pour une très bonne idée : la possibilité de créer un compte personnel. En quelques clics, le visiteur peut accéder à un espace personnel qui lui permet de garder en mémoire les recherches effectuées et les documents consultés en les plaçant dans son panier, à la manière des sites de vente en ligne. L’outil est rudimentaire (on ne peut pas classer les documents sélectionnés) mais très pratique, et il permet notamment de partager sa sélection en copiant un lien. Comme on ne peut pas naviguer dans une recherche avec son navigateur internet et qu’il est donc impossible d’enregistrer un résultat dans ses favoris, on a là l’outil indispensable pour sauvegarder ses résultats.

Quelques mots pour conclure
Longtemps attendu, le site des ADR tient ses promesses. Malgré un coté un peu « fouillis » au départ, il est très bien conçu et offre de belles perspectives d’avenir lorsque le fond numérisé s’étoffera.

Les +
La frise chronologique de la rubrique « une période ».
Les « outils de recherche ».
Les conseils de recherche des rubriques « une personne » et « un lieu ».
Maniabilité des documents numérisés.
Twitter/Flickr/RSS

Les –
« Outils de recherche » pas assez visibles sur la page d’accueil.
Pas d’océrisation, mais était-ce possible ?

mardi 3 mai 2011

Persée en péril

Signez la pétition en suivant le lien ci-après : http://9491.lapetition.be/

PERSÉE EN PÉRIL / PERSÉE IN DANGER (English translation below)

PERSÉE – le programme national de numérisation, de traitement documentaire, de diffusion et de valorisation scientifique – est aujourd'hui menacé par une décision de la direction de l'université Lumière Lyon 2.

Sans concertation préalable (personnels et direction de PERSÉE non sollicités, comité de suivi de PERSÉE, ministère de tutelle, organes institutionnels de l'Université (CTP, CS, CA) non avertis), la direction de Lyon 2 a décidé le 7 février 2011 de mettre fin à la convention-cadre soutenant l'existence du programme. Cette décision prend effet le 10 mai 2011.

L'ensemble des personnels du programme PERSÉE ne comprend pas la précipitation de la direction de Lyon 2. Aucune information n’a précédé cette décision. Aucune discussion n’est proposée par la direction de l’université. Aucune solution ne garantit la continuité des activités du programme et la préservation de l'équipe PERSÉE en raison du trop court calendrier imposé par Lyon 2.

Nous ne savons pas ce qu’il adviendra de PERSÉE au-delà du 10 mai 2011.


QUELLES SERONT LES CONSÉQUENCES ?

• La fermeture du portail www.persee.fr et la disparition d’un outil utilisé par des millions de chercheurs et d’étudiants.

• Un formidable gâchis d’argent public : le ministère - avec Lyon 2 - a initié le programme PERSÉE et le finance depuis 8 ans. Ce soutien a permis de constituer un fort capital technique et de développer des savoir-faire spécifiques.

• L’éclatement de l’équipe PERSÉE et la dispersion de compétences vitales pour le programme. Les vacataires et les contractuels (85% de l'effectif) sont les premiers touchés. La direction de l’université Lyon 2 a d’ores et déjà refusé de renouveler les contrats de vacations au-delà du 10 mai 2011.


QU'EST CE QUE PERSÉE ?

• PERSÉE est un programme du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche qui numérise, archive, valorise et diffuse gratuitement des millions de pages d'articles et de monographies à haute valeur scientifique.

• PERSÉE c’est une des plus grandes bibliothèques numériques scientifiques francophones avec plus de 350 000 documents scientifiques en texte intégral, en ligne, en accès gratuit.

• PERSÉE c'est un outil de valorisation internationale du patrimoine scientifique au service de la communauté académique, depuis 2005.

• PERSÉE c'est 3,6 millions de documents téléchargés et 19,5 millions de consultations en 2010, au niveau national et international.

• PERSÉE c’est 125 conventions avec des éditeurs scientifiques et des partenariats avec des universités françaises et étrangères (La Sorbonne, Louvain etc.), et des instituts de recherche (Maison de l'Orient et de la Méditerranée, les cinq Écoles Françaises à l’étranger, les IFRE, M.I.T. etc.).

• PERSÉE c'est une technologie solide et reconnue, développée en open source.

• PERSÉE c'est aussi une équipe de 21 BIATOS qualifiés qui travaillent à rendre des centaines de milliers de documents accessibles et gratuits pour tous.

Dans son rapport d’évaluation du 28/12/2010, l'AERES (Agence d'Évaluation de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur) souligne que « PERSÉE est un exemple parfaitement réussi de rassemblement d’un corpus documentaire permettant le développement de services à haute valeur (...). Que l’on envisage le portail sous l’angle des options technologiques, de la structuration de l’information et des outils de consultation conçus des choix innovants qui fondent sa reconnaissance dans le paysage complexe de l’édition scientifique numérisée. » L'AERES souligne également « la façon exemplaire dont a été conduit le projet [PERSÉE] avec des moyens relativement modestes. »

PERSÉE est une réussite scientifique, documentaire et technologique.

Et pourtant, la direction de l’université Lumière Lyon 2 prend le risque de détruire cette initiative.

SOUTENEZ PERSÉE !

Nous demandons du TEMPS pour organiser, dans de bonnes conditions pour les partenaires de PERSÉE et dans le respect des personnels, le désengagement de Lyon 2 et le transfert à une autre structure publique.

• Nous appelons les utilisateurs de PERSÉE, chercheurs, enseignants, étudiants, citoyens, documentalistes et bibliothécaires à nous apporter leur soutien.

• Localement et nationalement, nous appelons les syndicats à soutenir les personnels vacataires, contractuels et titulaires de PERSÉE.

Signez la pétition sur http://9491.lapetition.be/ !

Faites part de vos commentaires !
http://twitter.com/PerseeFr
http://www.facebook.com/persee.fr
http://portailpersee.wordpress.com

Les personnels BIATOS titulaires, contractuels mensualisés et vacataires solidairement.

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PERSÉE IN DANGER

PERSÉE – the leading program for digitizing and distributing french-speaking scientific content – is today threatened on account of a decision taken by the University of Lyon 2 - Lumière

Without prior consultation with Persée's staff, director and partners, the board of the Lyon 2 University has decided, on February 7th 2011, to terminate the agreement supporting the program. This decision will take effect on May 10th 2011.

The Persée team does not understand the rush demonstrated by the administration. No information came before this decision. No discussion was organized. No solution ensuring the continuity of the program was planned, whereas the schedule imposed by Lyon 2 is unsustainable.

We do not know what will become of PERSÉE after May 10th 2011

What consequences ?

• The PERSÉE portal www.persee.fr will be shut down, causing the disappearance of a major scientific tool used by millions of people worlwide.

• A tremendous waste of public fundings, considering that the French Ministry for Education and Research - with the support of the Lyon II University - has been financing PERSÉE for eight years.

• The dismantlement of PERSÉE’s team and the loss of specific technical skills

What is PERSÉE?

• PERSÉE is supported by the French Ministry for Higher Education and Research which digitizes, stores, promotes and distributes millions of pages from articles and monographs of the highest scientific value.

• PERSÉE is the largest digital scientific library of French-speaking content with over 350 000 scientific papers in full text. Its core values are open & free access, free availability of the contents and Creative Commons licensing policy.

• PERSÉE is a tool helping the academic community promote the french-speaking scientific patrimony worldwide since 2005.

• PERSÉE has disseminated 3.6 millions documents, and received 20 millions visits in 2010.

• PERSÉE is bound by 125 agreements with scientific editors, publishers and numerous partnerships with French or foreign universities (La Sorbonne, Louvain etc.), and research institutes (Maison de l'Orient et de la Méditerranée, the five Écoles Françaises à l’étranger, the IFRE, M.I.T. etc.).
• PERSÉE is built upon a set of robust and recognized technologies, developed in open source.

• PERSÉE also relies on a team of 21 highly skilled professionals working to make hundreds of thousands of documents available for free.

In its evaluation report, dated December 28th 2010, the AERES (Evaluation Agency for Research and Higher education) pointed out that PERSÉE “is a perfectly sucessfull exemple of a tool aimed at gathering a documentary database that insures the development of very valuable services (...) Whether one considers the portal in terms of its technological options or its ability to structure information and to offer an easy tool for online reading, PERSÉE stands out thanks to the innovative choices upon which its recognition in the complex landscape of the scientific digital publishing field has been founded”. The AERES also stresses " the exemplary manner in which the project [PERSÉE] was conducted with rather modest fundings. "


PERSÉE is a scientific, documentary, and a technological success

Yet, the board of administration of the University of Lyon 2 is willing to take the risk of destroying it.


Show your support to PERSÉE !

We are asking for additional time to be able to organize, in a proper manner that will neither be prejudicial to the partners of PERSÉE nor to its staff, the withdrawal of Lyon 2 and the transfer of the program to another institution

We urge all users of PERSÉE to show their support

Please sign the petition on http://9491.lapetition.be/

You may reach us here :
http://twitter.com/PerseeFr
http://www.facebook.com/persee.fr
http://portailpersee.wordpress.com/


The Persée Team

Signez la pétition en suivant le lien ci-après : http://9491.lapetition.be/

jeudi 28 avril 2011

A propos du Congrès international des sciences historiques de l'été dernier : un bilan tardif

Je passe mon temps, depuis la création de ce blog et de Digital Lugdunum (qui marche au ralenti ces derniers temps, rédaction de mon mémoire oblige), à dire et redire qu'il est du devoir des historiens de mettre en ligne leurs travaux afin que chacun puisse y accéder librement. A mon tour de le faire. 

J'ai dû rédiger, dans le cadre de mes cours à Lyon 2, un bilan du CISH d'Amsterdam. Les plus passionnés d'entre vous savent en effet sans doute que s'est déroulé cet été le 21e Congrès international des sciences historiques. Les plus passionnés, et eux seuls, car le moins qu'on puisse dire, c'est que ledit congrès n'a pas soulevé chez les historiens français un enthousiasme démesuré. A part quelques historiens parisiens proches de l'IEP et réunis autour de JF Sirinelli, seul Roger Chartier semble s'y être intéressé. C'est bien dommage, car le CISH n'a lieu que tous les 5 ans, et l'occasion de dresser le bilan de l'historiographie française et de rencontrer des historiens d'autres horizons ne se représentera qu'en 2015.

Comme mes réflexions ne me semblaient pas trop stupides, j'ai décidé de les publier en ligne. J'aurais pû le faire plus tôt, mais j'attendais que mon professeur me confirme que je ne disais pas complètement n'importe quoi... Bref, ça vaut ce que ça vaut, c'est une réflexion personnelle qui n'engage que moi, et c'est disponible sur Google Documents ICI.

Sur ce, bonne lecture et à bientôt.

Ah oui, si jamais ça ne marche pas, je colle le lien complet :
https://docs.google.com/document/d/1ezOvTXn-4fEI5r1Ic7VlOs_h_rY_bSrDfvtqgaxXqwY/edit?hl=en

mardi 12 avril 2011

La révolution numérique touche enfin les ADR !

>>>>> !!! Breaking News !!! <<<<<


Les Archives départementales du Rhône ont (enfin) annoncé la mise en ligne imminente des dossiers de l'Etat-civil pour l'ensemble du département. C'est un bon début. Mais seulement un début, car les ADR demeurent en retard sur nombre d'autres institutions dans le domaine des nouvelles technologies.

Au fil du mémoire, épisode 1 : marre de la politique ?

Bonjour à tous !

Contrairement à ce que j'avais annoncé, je ne vais pas vraiment suivre mon plan, mais plutôt proposer des "perles" trouvées au fil de mes recherches. On commence dans la bonne humeur avec cet article de l'hebdomadaire lyonnais Guignol, sorte de Canard enchaîné local, qui illustre bien à mon sens la méfiance vis-à-vis du politique des années qui suivent la Libération. Alors qu'on aurait pu s'attendre à un vote massif et enthousiaste, le retour à la démocratie s'accompagne en fait d'un taux d'abstention assez élevé. Voici donc, sans attendre, le "Discours standard" de Polus, paru le 8 mai 1946.

"Spécialement étudié pour assurer la victoire de celui qui en fera l’usage, ce discours présente l’extrême avantage de pouvoir être déclamé par les candidats de n’importe que parti.

Citoyens, Citoyennes,
La France réclame à nouveau vos suffrages. A l’heure où nous devons donner le dernier assaut contre les forces pernicieuses qui essaient de saper l’œuvre des hommes de bonne volonté, je vous demande de réfléchir sur le grand acte que vous allez accomplir. Vous devez affirmer votre désir résolu de faire triompher nos grandes idées républicaines, démocratiques et sociales. (Applaudissements présumés. A provoquer au besoin).
Un dernier sursaut d’énergie doit donner à la France l’impulsion suprême pour son rétablissement total.
Vous voterez pour notre parti, si vous voulez un accroissement de la production. Nous nous sommes montrés les défenseurs de vos intérêts. Vos intérêts vous commandent aujourd’hui de répondre favorablement à notre appel.
Nous continuerons à combattre pour un meilleur ravitaillement, pour la stabilité monétaire, pour les vieux travailleurs, pour la défense de la famille, le bien-être et le bonheur de tous. (Applaudissements recommandés, le temps de boire un coup).
Citoyens, Citoyennes, contre tous les ennemis qui veulent nous confiner dans le désordre et l’incohérence (ici, des cris : A bas … le nom du parti auquel vous n’appartenez pas).
Pour le triomphe des forces démocratiques, pour la défense de la République, pour la Paix, pour la Grandeur de la France, votez tous pour nous. Pas d’abstention. Vive la France, Vive la République !

POLUS"

Dites-moi donc ce que vous en pensez. Quel sens donner, selon vous, à cet article ? Des commentaires sur la possible transposition du discours aujourd'hui ? N'hésitez pas à utiliser le bouton "Commentaire" ci-dessous, et n'oubliez pas de signer. Vous pouvez aussi commenter sur facebook, pour ceux qui m'ont dans leur liste de contacts. Ou par mail : digitallugdunum@gmail.com. 

Je suis tout disposé publier vos réactions si vous le désirez. 

vendredi 1 avril 2011

Au fil du mémoire...

Bonjour à tous (et à toutes, même si cet ajout est grammaticalement inutile) !

Les quelques acharnés qui me suivaient régulièrement l'ont sans doute remarqué, j'ai réduit mon rythme de publication. Mes recherches personnelles et mes autres activités (la musique notamment) m'occupent énormément en ce moment, et j'ai donc peu de temps à consacrer à mes blogs. Le temps est cependant venu d'écrire de nouveau, et à un rythme soutenu, je l'espère.

J'entre en effet dans la dernière phase de mon M2, la rédaction du mémoire (qui porte sur les relations entre Edouard Herriot et la droite à Lyon entre 1905 et 1957). Or dans le cadre de ma réflexion sur l'écriture de l'histoire pour internet, j'ai décidé (bande de veinards) de vous faire profiter de mes travaux. Jusqu'à la fin du mois de mai, je vais donc tenter de rendre compte régulièrement, c'est-à-dire au moins une fois par semaine, de l'avancée de mon travail de rédaction, en vous faisant partager mes idées, en vous invitant à débattre de certains points, en vous proposant des "zooms" sur certains documents, etc.

Sachant que je vais développer cette année la partie portant sur les relations entre Herriot et les modérés lyonnais entre 1945 et 1957, j'invite ceux d'entre vous que ma démarche intéresse à jeter un oeil à mon mémoire de M1, intitulé Lyon, Herriot, les droites. 1953-1956.

Le but à long terme de ma démarche est la publication en ligne d'une thèse "2.0" illustrant l'écriture "en réseau" dont j'ai déjà parlé à plusieurs reprises. Mais avant cela, j'ai du travail, et je m'en vais sur le champ m'y replonger avec délectation (ou pas : le classement de mes notes n'est pas vraiment une tâche passionnante).

A très bientôt, donc.

Yann

lundi 7 mars 2011

Googling Lyon

A lire sur Digital Lugdunum : une série d'articles par votre serviteur sur le petit monde de l'histoire numérique lyonnaise : Googling Lyon (les billets sont affichés du plus récent au plus ancien).

Bonne lecture !

samedi 5 mars 2011

Googling Lyon (3/3). (Res)sources en ligne pour historiens lyonnais, par Yann Sambuis

« Ressources en ligne » est sans doute un titre assez vague pour ce troisième volet. Les deux premiers articles de la série Googling Lyon portent en effet eux aussi, d’une certaine manière sur des ressources en ligne. Cependant, alors que je me suis penché dans le premier volet sur ce que j’appellerai des généralités, et dans le second sur des ressources créées par des Lyonnais, j’ai décidé de consacrer ce troisième billet d’une série qui en comptera peut-être plus, tout compte fait, à un type de ressources bien particulier : ce que nous autres historiens appelons « sources ».
Ces dernières années, l’importance prise par le web dans la vie de tous les jours a en effet conduit un nombre croissant de services publics à entreprendre la mise en ligne de documents d’archive. Cette politique permet, outre un accès plus facile, puisque la barrière de la distance est abolie par internet, de créer un sauvegarde numérique de documents souvent fragiles – même si, pour les plus fragile, la numérisation détruit parfois l’original. A Lyon, on distingue trois pôles principaux dans cette politique de numérisation : la Bibliothèque municipale (BML), les Archives municipales (AML), et enfin les Archives départementales du Rhône (ADR), qui, pour ce que j’en sais, devrait ouvrir son portail de ressources en ligne dans les prochains mois.
En attendant l’ouverture du site des archives du Rhône, jetons donc un œil aux deux autres pôles…

La Bibliothèque municipale de Lyon : le choix de portails thématiques

Avant toute chose, notons que la BML est, du fait de sa taille, divisée en un certain nombre de secteurs, dont plusieurs participent à la politique de numérisation de documents. Je vais essayer de présenter ici les différents projets mis en place par le pôle de documentation régionale.
Du fait de la diversité des documents mis en ligne, le choix a été fait de créer des portails différents, tous hébergés sur le site de la BML. Trois de ces mini-sites sont à même d’intéresser l’historien de Lyon : « Revues savantes », « Presse lyonnaise du XIXe siècle » et « Photographes en Rhône-Alpes », sans doute le plus original des trois.

Le portail « Revues savantes » est le plus ancien et le moins abouti. Je me contenterai donc de le décrire brièvement.
Comme son nom l’indique, il regroupe les trois revues savantes lyonnaises éditées au XIXe siècle, et jusqu’en 1924 pour la principale, la Revue du Lyonnais. Les collections ne sont malheureusement pas complètes mais, malgré une interface assez archaïque, le site présente pour principal intérêt de permettre la recherche plein-texte. En effet, les revues numérisées ont été océrisées (du sigle anglais OCR, Optical character recognition, procédé qui permet d’extraire un texte au format numérique à partir de l’image numérisée d’un texte sur papier).
En dépit de cet avantage important, qui permet une manipulation rapide et aisée des documents, le site souffre de son champ limité et – je me répète – de l’archaïsme de son interface, qui serait sans doute assez peu ergonomique si le nombre de revues était plus important.

Le site consacré à la presse lyonnaise du XIXe siècle est le plus récent et, à mon sens, le plus prometteur.
Initialement intitulé CaNu (pour « canards numérisés »), le projet se propose de mettre en ligne l’intégralité de la presse lyonnaise parue entra 1830 et 1914 et conservée à la BML. L’interface est élégante et fonctionnelle. Tous les textes ont bien sur été traités par océrisation et la recherche plein-texte est possible. On peut en outre choisir le champ de la recherche : l’ensemble de la base, un titre, un exemplaire donné d’une revue, toute la presse d’un jour donné… Il est en outre possible de télécharger tout le contenu du site au format PDF ou image afin de l’utiliser sans être connecté à internet, de le traiter avec divers logiciels voire – pourquoi pas ? – de le transférer sur un e-book. On regrettera seulement que, lorsqu’on effectue une recherche, le terme recherché n’apparaisse pas en surbrillance dans le texte qui s’affiche à l’écran : on doit parcourir toute la page pour le retrouver. Une astuce : il suffit d’ouvrir la page en PDF et de faire une recherche en utilisant votre navigateur (Ctrl + F).
En plus de cette interface très bien conçue, le site propose une page d’accueil fort sympathique. On y trouve un « kiosque du jour », qui propose une sélection de tous les titres parus à la date de notre visite – par exemple, lors de ma visite, tous les journaux parus un 5 mars. Cet outil est accompagné d’un calendrier qui permet de changer de date ou d’affiner la recherche en sélectionnant une décennie, un titre, etc. Enfin, le site met à notre disposition en page d’accueil des dossiers thématiques concernant la presse lyonnaise du XIXe siècle – la surveillance de la presse anarchiste, par exemple.
On a donc là un outil très intéressant, qui de plus est appelé à s’enrichir au fur et à mesure que la numérisation avancera.

Dernier portail thématique de la BML que je voudrais mentionner, le site « Photographes en Rhône-Alpes ». Alors que les deux précédents étaient assez nettement destinés aux spécialistes, ce site se veut bien plus grand public. On est bien plus ici dans une logique de mémoire en ligne que d’histoire numérique telle que je la conçois pour ma part. Ce qui ne nous interdit pas, loin de là, de nous y intéresser.
Comme son nom l’indique, ce site regroupe donc des photos de toutes périodes représentant la région Rhône-Alpes, avec un intérêt particulier : sa dimension « participative ». En effet, les internautes sont invités à enrichir la collection en proposant leurs photographies, que la BML propose de numériser, avant de rendre les originaux à leur propriétaire. On est donc bien ici face à un « portail », une plateforme qui accueille différents albums, regroupés par thème, par auteur, par époque, et qui a vocation à grandir au fil du temps. Pour éviter une croissance désordonnée, la BML garde cependant le contrôle de l’outil, puisque, même si elle utilise l’outil Flickr de Yahoo!, les utilisateurs ne peuvent pas directement mettre en ligne leurs photographies. De plus, afin de construire la base progressivement, trois thématiques principales sont proposées aux internautes qui souhaiteraient participer au développement du projet : le Grand Lyon, l’Ardèche et la Seconde Guerre mondiale.
Au-delà de cette dimension grand public, l’intérêt principal pour l’historien est la possibilité de recherche par mots-clefs, à laquelle s’ajoutent différents outils qui permettent de naviguer dans les collections : frise chronologique, carte interactive, noms des photographes, etc.
Si la collection gagnerait à être enrichie – ce qui ne saurait tarder, mais force est de constater que pour un fond lyonnais, deux photographies d’Edouard Herriot, c’est un peu léger – l’outil demeure extrêmement prometteur.

Les Archives municipales de Lyon : des outils de qualité variable

            Les AML, second pôle que je voudrais évoquer, apparaissaient déjà dans le premier volet de Googling Lyon. Je laisserai donc de coté les outils que j’ai déjà évoqués, plus destinés au grand public qu’à l’historien. Le site propose différents types d’archives, mais tous utilisent à quelques détails près la même interface, et je vous propose donc de les traiter dans un superbe coffret tout en un.

            L’interface est assez ancienne, mais une fois qu’on en a compris le fonctionnement, elle est d’un usage assez facile et efficace. Les fonds proposés sont divers – registres paroissiaux et d’état-civil, registres des enfants abandonnés, convois funéraires, recensements annuels, délibérations des Conseils municipaux, cartes postales lyonnaises, affiches anciennes et cartes et plans de Lyon – mais partagent peu ou prou la même interface.
            Globalement, les possibilités de recherche sont nombreuses, avec, assez souvent, une possibilité de recherche « semi-guidée » qui propose un accès plus direct aux documents concernant une sélection de personnalités lyonnaises. Le site souffre néanmoins d’un manque très sensible, qui s’explique sans doute par son ancienneté : les textes ne sont pas océrisés et la recherche plein-texte est donc impossible. Cette lacune pourrait cependant être assez aisément comblée au moins pour les documents dactylographiés ou imprimés. Ainsi, tous les documents ne sont accessibles que sous forme d’images.
            Malgré ce manque – très dommageable, car il restreint énormément les possibilités de manipulation informatique des textes –, le portail de AML reste une ressource incontournable pour l’historien lyonnais. En effet, la richesse du fond numérisé justifie à elle seule qu’on s’y intéresse, même si l’archaïsme relatif de l’interface – qui n’a rien d’irréversible, je le répète – est frustrant pour l’internaute chevronné.

            Dans l’ensemble, le site des AML est donc une véritable mine d’or pour l’historien, mais une exploitation efficace nécessitera de moderniser les outils.

Perspectives d’avenir

            Je l’écris à chaque fois, l’histoire numérique est en perpétuelle évolution. Ainsi, dans les mois et les années qui viennent, les sources en ligne devraient se multiplier. A ma connaissance, deux projets importants sont en cours à Lyon. D’une part, les Archives départementales du Rhône préparent la mise en ligne du cadastre et des registres d’état-civil du département, qui devrait intervenir courant 2011. D’autre part, la BML poursuit sa politique de numérisation du fond ancien. Grâce à un accord conclu avec Google Books – encore eux ! –, plus de 2000 ouvrages anciens numérisés et océrisés, dont un certain nombre concernant Lyon, devraient être mis en ligne dans les prochains mois.
            Une fois de plus, je vous mets au défi : comment ne pas être optimiste ? (Ne me répondez pas, je ne suis pas sûr de vouloir savoir, en fait…)

Bilan

            Un bilan par site pour trois des outils abordés :

Presse lyonnaise du XIXe siècle
Les + : Interface belle et fonctionnelle, recherche plein-texte, outil « kiosque ».
Les - : Les termes recherchés n’apparaissent pas en surbrillance.

Photographes en Rhône-Alpes
Les + : Richesse potentielle du fond, ergonomie et beauté de l’interface.
Les - : Encore en construction, ne fonctionne pas selon les critères de pertinence de l’historien.

Archives municipales de Lyon
Les + : Richesse du fond, outil « personnalités ».
Les - : Pas de recherche plein-texte.

Merci à Mohamed, de la documentation Rhône-Alpes de la BML, pour son aide.

dimanche 6 février 2011

Information : Du nouveau pour l'histoire numérique à Lyon

        Dans son commentaire à mon dernier billet, Christian Henriot (Institut de l'Asie Orientale de Lyon) nous annonce de bonnes nouvelles pour l'histoire numérique lyonnaise. Comme je sais que personne ou presque ne lit les commentaires, je copie son message ci-dessous :

       "L'Institut des sciences de l'homme à Lyon s'est donné comme priorité scientifique commune pour le prochain contrat quinquennal les "humanités numériques". On peut donc raisonnablement espérer voir émerger des projets nouveaux dans les différentes disciplines des sciences humaines et sociales à Lyon. Un projet de Labex (Laboratoire d'excellence) sur les humanités numériques a d'ailleurs été déposé dans le cadre du Grand emprunt. Ce projet est en cours d'évaluation."

        De quoi renforcer encore notre optimisme, si c'était nécessaire. Je profite d'ailleurs de cette occasion pour vous rappeler que vos contributions et commentaires sont les bienvenus. N'hésitez pas à nous contacter par courriel (digitallugdunum@gmail.com).

Yann Sambuis

vendredi 4 février 2011

Googling Lyon (2/3). De la présence sur le web des historiens lyonnais, par Yann Sambuis

           Nous avons parlé dans le dernier billet du problème de la disponibilité en ligne d’informations et de travaux sur l’histoire de Lyon. Si j’ai essayé de discerner dans mon enquête les contenus mis en ligne par des amateurs de ceux créés par des professionnels ou des institutions reconnues, j’ai en définitive assez peu abordé la question de la présence en ligne de ces professionnels. Or c’est là une des principaux points qui m’ont conduit à créer le projet Digital Lugdunum : la très faible présence en ligne des historiens lyonnais, quel que soit, cette fois-ci, leur objet d’étude.

Une recherche en ligne plus complexe

            Il va sans dire que le travail auquel je m’attelle pour ce second volet est bien plus complexe. Si le précédent billet n’était somme toute que l’analyse d’une recherche sur Google, complétée par les éléments que j’ai pu glaner depuis un an et demi sur l’histoire de Lyon en ligne, il est bien plus complexe de détecter la présence en ligne des historiens lyonnais. Commençons donc par un point sur la méthode…
            J’ai fait le choix de partir des sites des « viviers » de chercheurs que sont les universités et laboratoires lyonnais. Ma visite du web de l’histoire à Lyon – et non plus de l’histoire de Lyon – commence donc par une revue des sites ou pages web de ces différents viviers. Partant de là, j’ai navigué de page en page à la recherche de contenus intéressants en ligne. Explicitons donc ce que j’entends par « contenus intéressants ».
            On trouve bien entendu – nous sonnes tout de même au XXIe siècle – une fiche de présentation plus ou moins synthétique de chaque chercheur ou enseignant-chercheur en histoire rattaché à centre de recherche lyonnais, voire plusieurs fiches dans le cas courant d’un rattachement à plusieurs organismes. Là n’est pas la question. L’objet de notre recherche, notre gibier en quelque sorte, ce n’est pas l’historien dont on trouve des traces sur le web, mais bien l’historien numérique, c’est-à-dire celui qui, à défaut d’utiliser tous les outils fournis par la technologie moderne, utilise le web comme outil de travail et comme plateforme de diffusion des savoirs. Cette définition a minima m’est imposée par la rareté en France de réels historiens numériques comme peuvent l’être les Américains Dan Cohen, Roy Rosenzweig et autres membres du Center for History and New Media. Contentons-nous donc de ce que nous trouvons, et partons en quête, dans les institutions de la recherche lyonnaise, de contenus, travaux et autres matériaux en ligne…

Point de départ ;) 

            Je me permettrai d’entamer cette exploration par un clin d’œil. Ceux d’entre vous qui ont eu l’occasion de parcourir mon blog personnel savent que mon intérêt pour ce qu’il est convenu d’appeler « histoire numérique », traduction du terme anglais Digital History, provient notamment du séminaire de Christian Henriot sur le sujet.
Or Christian Henriot, enseignant-chercheur spécialiste de la Chine et de l’Asie de l’Est rattaché à l’Institut d’Asie Orientale (IAO) de Lyon, est sans doute le seul véritable historien numérique lyonnais actuel – mes recherches sur la toile ne m’ont en tout cas pas permis d’en trouver d’autres. Il a ainsi créé son propre site, principalement autour des séminaires qu’il anime, et met en ligne toutes ses publications, dans la limite de ce que la loi permet, c’est-à-dire à l’exception des ouvrages protégés par un copyright.
D’autre part, Christian Henriot est à l’origine de Virtual Shanghai, projet d’histoire numérique qui se penche sur l’histoire de Shanghai depuis le milieu du XIXe siècle, en réunissant sur un même site internet des images, des textes d’archive, des références bibliographiques, des cartes… De tels projets, s’ils sont courants aux Etats-Unis – voir notamment the Valley of the Shadows –, restent malheureusement très rares en France, a fortiori à Lyon.

Une entrée progressive dans l’ère du numérique

Et c’est bien là que le bât blesse. J’ai commencé mon panorama par Christian Henriot et, en ce qui concerne l’histoire numérique dans son acception la plus stricte – je recommande à ce propos le court article de mon camarade François-Xavier Colin sur la digital history – j’aurais aussi bien pu m’arrêter là. Ce qui n’empêche pas les acteurs de l’histoire lyonnaise d’entrer de plus en plus dans l’ère du numérique, en proposant des plateformes web qui méritent d’être mentionnées.
Les différents laboratoires de recherche possèdent ainsi des sites plus ou moins aboutis. Au premier rang, bien sûr, le site de l’IAO, qui propose diverses ressources numériques, parmi lesquelles plusieurs projets thématiques en histoire numérique, notamment un sur le supplice chinois et sa représentation, ancien (2002-2005) mais intéressant. Un second pôle d’histoire numérique, s’il n’est pas exclusivement lyonnais – ni exclusivement historien, d’ailleurs – se distingue : l’équipe Littérature, idéologies, représentation XVIIIe-XIXe siècles (LIRE), équipe européenne dont sont membres plusieurs chercheurs lyonnais. Derrière une interface peu attrayante, le site propose des liens vers divers projets de numérisation d’archives, notamment des journaux anciens. On citera notamment les projets « Gazettes européennes du 18e siècle » et « Les journaux d’Alexandre Dumas ».
Signalons pour le reste que la plupart des laboratoires proposent aujourd’hui des liens vers des ressources et publications accessibles gratuitement en ligne. C‘est le cas notamment du Ciham (Centre interuniversitaire d’histoire et d’archéologie médiévale), qui met en ligne ses publications sur HAL-SHS.

Les travaux universitaires en ligne : mention « passable »

Enfin, le dernier pôle de l’histoire lyonnaise sur le web est celui des universités et autres établissements d’enseignement supérieur.
Pour la plupart, ces établissements proposent en effet un accès en ligne aux thèses, voire aux masters – c’est le cas de l’Institut d’études politiques –, de leurs étudiants. On regrettera malheureusement qu’un nombre non négligeable de thèse de Lyon 2 et Lyon 3 ne soient pas disponible faute d’accord de leurs auteurs. Sans doute ces refus sont-ils, une fois de plus, dus à la peur du plagiat et de problèmes avec un éventuel éditeur, peur du net qui, nous ne le répéterons jamais assez, est totalement infondée.
On peut en outre regretter que les universités, contrairement à l’IEP, ne mettent pas en ligne les mémoires de Master. D’autant que, même au format papier, l’expérience montre que l’archivage n’est pas systématique, malgré l’obligation de principe qu’ont les étudiants de déposer leurs travaux.

Appréciation globale : « peut mieux faire »

            Concluons sur une note optimiste ce billet. Je l’ai dit, la recherche en ligne de projets lyonnais est complexe. Google ne propose pas encore de rechercher des pages en fonction de leur lieu de création. Il est donc très probable que j’aie raté certains sites. On peut cependant dresser un premier bilan, moins négatif que je ne le craignais au départ.
            Certes, l’histoire numérique est loin d’être entrée dans les mœurs, et les projets dans ce domaine sont encore trop rares. Néanmoins, outre l’IAO, pionnier de la discipline à Lyon autour notamment de Christian Henriot, plusieurs projets se distinguent. C’est notamment le cas des plateformes d’archives numérisées du LIRE, auxquelles participent des chercheurs lyonnais.
Cependant, les lacunes des plateformes de mise en ligne de travaux universitaires sont encore criantes, et la plupart des sites de laboratoires pèchent par une interface peu attrayante tant en termes d’esthétique que d’ergonomie. En outre, les recherches que j’ai effectuées pour ce billet confirment le manque souligné dans notre projet d’un engagement des historiens lyonnais dans une histoire numérique comme moyen de transmission des savoirs, dans une vulgarisation de qualité.
Gardons cependant espoir : le nombre de projets semble aller croissant et l’histoire numérique a de beaux jours devant elle à Lyon, tant il semble inimaginable que les historiens de la jeune génération – dont je fais partie – laissent passer cette opportunité d’ancrer l’histoire dans l’ère du numérique. Selon mes sources, plusieurs doctorants lyonnais s’attellent d’ailleurs actuellement à la création d’une plateforme de publication en ligne.

Du nouveau !

J'édite le message pour ajouter une seconde note d'optimisme : je copie ci-dessous le commentaire de Christian Henriot, qui laisse à penser que l'histoire numérique lyonnaise est promise à un bel avenir.
"L'Institut des sciences de l'homme à Lyon s'est donné comme priorité scientifique commune pour le prochain contrat quinquennal les "humanités numériques". On peut donc raisonnablement espérer voir émerger des projets nouveaux dans les différentes disciplines des sciences humaines et sociales à Lyon. Un projet de Labex (Laboratoire d'excellence) sur les humanités numériques a d'ailleurs été déposé dans le cadre du Grand emprunt. Ce projet est en cours d'évaluation." C. Henriot

jeudi 3 février 2011

Le temps du bilan... intermédiaire (Version longue)

Avertissement : Ce texte étant beaucoup plus long que prévu dans le cadre du séminaire "Histoire à l'ère du numérique", j'en ai rédigé une version plus courte, que je peux mettre en ligne sur le blog commun si nécessaire.

Au terme de ces quelques mois de travail, vient le temps du bilan. Un bilan qui ne peut être que partiel, tant la période sur laquelle il porte est courte. Ma réflexion sur l’histoire numérique, qui a été pour moi, même si le terme est peut-être un peu trop fort, une révélation, n’en est qu’à ses balbutiements.
Je voudrais donc, dans ces quelques lignes, revenir sur ma découverte de la digital history et tenter de dégager quelques grands traits qui m’ont marqué. Traduction de l’état actuel de ma réflexion et des premières conclusions que j’en tire, ce court bilan ne vise pas plus l’exhaustivité dans son contenu que l’académisme dans sa forme. J’ai pour ainsi dire suivi ma plume – sur un clavier, bien entendu –, mais j’ai néanmoins décidé de mettre en évidence trois points. On ne parlera jamais assez des ravages de l’organisation ternaire de la pensée sur les psychismes étudiants.

Le numérique, un Nouveau Monde de la connaissance

Considérer le numérique comme un monde nouveau quand on baigne dedans, pour ainsi dire, depuis toujours n’est pas le moindre des paradoxes. Issu d’une génération charnière, pour qui l’accès à l’informatique dès l’enfance, s’il était courant, n’était pas automatique, j’ai pu profiter d’un ordinateur à la maison dès 1995 – j’avais sept ans – et d’internet dès 1999 ou 2000 – faites le calcul. Ajoutez à cela les encyclopédies Encarta et autres Cdroms pédagogiques, et il n’aurait en rien été déplacé pour moi de considérer les ressources numériques comme un mode de connaissance « naturel ». Il n’en est rien.

S’ils sont antérieurs à notre séminaire,  ma connaissance et mon intérêt pour la diffusion des savoirs en ligne et pour les évolutions qu’elle implique sont tout récents. Sans trop exagérer, je pense pouvoir dire que j’ai découvert Wikipédia et consorts le jour où on m’a interdit de les utiliser, c’est-à-dire lors de mon TPE en classe de première. Amoureux de dictionnaires, d’encyclopédies, de livres, je n’ai commencé à utiliser internet comme moyen de connaître que lorsque le temps est venu à manquer, dans mes années d’hypo et de khâgne. J’ai alors découvert un monde nouveau, un nouveau mode de connaissance que j’ose appeler un Nouveau Monde de la connaissance – on me pardonnera cette analogie usée.
Si je parle de Nouveau Monde, c’est avant tout parce que le web reste en grande partie comparable à un territoire vierge, sauvage et inexploré, à un nouveau Far West du savoir dont la frontière occidentale recule jour après jour. Deux points – je m’extrais ici du ternaire – m’apparaissent comme les épicentres de ce bouleversement qui m’a converti au numérique. Le premier, c’est Wikipédia. Le remaniement permanent des articles, effet d’une définition du « libre » dont j’ai déjà parlé, remet en cause toute permanence du savoir et, plus perturbant à mon goût, toute légitimité scientifique de l’auteur. Une seule fois, j’ai modifié un article, pour corriger une erreur grossière. Le lendemain, ma modification avait été supprimée.
Le second, c’est Facebook, devenu en quelques années une sorte d’ « agora 2.0 » – c’est d’ailleurs le titre d’une émission de LCP sur le net et la politique – où tous les sujets sont débattus, souvent avec une grande agressivité due à la distance des interlocuteurs et dans certains cas à l’anonymat.

Or ces deux exemples, et surtout le premier, mettent en évidence des caractéristiques essentielles de ce nouveau mode de connaissance : son omniprésence et son ouverture à un très large public, les deux étant liés.
Je parle d’omniprésence, et le terme est loin d’être trop fort. Wikipédia a tué le Quid, et les bons vieux dictionnaires encyclopédiques qui ornent les étagères de ma chambre de lycéen sont voués à disparaître aussi. Lorsque, le samedi après-midi, des hordes d’élèves du secondaire déferlent sur la Bibliothèque municipale de Lyon, rares sont ceux qui s’intéressent au contenu des étagères – des « livres ». Ils s’installent, branchent leur ordinateur, se connectent au réseau wifi, et n’ouvrent pas le moindre volume. Lorsque la jeune génération cherche une information, elle se tourne vers internet.
Cette transformation s’accompagne d’une ouverture progressive à un très large public. L’accès à internet est de plus en plus facile et ceux qui en disposent sont libres de naviguer dans un réservoir virtuellement infini de connaissances. Dans le cas de la culture historique, on note une différence importante avec l’ère précédente. Avant la généralisation d’internet, deux possibilités principales existent : la télévision, qui livre à domicile mais sans choix du menu, et la bibliothèque – je désigne ici tous les accès au livre, en incluant, même si cela peut être abusif, la librairie et la vente par correspondance ou à domicile d’encyclopédies –, qui nécessite un déplacement vers un lieu chargé d’une symbolique potentiellement intimidante. Avec internet, la distance physique est abolie, de même que les considérations de capital social et culturel. Il est plus facile d’aller vers la connaissance ; encore faut-il en avoir envie.

Une pratique de l’histoire renouvelée

Si je devais dégager un point commun entre Wikipédia et Facebook, les deux exemples sur lesquels j’ai insisté, je choisirais sans doute l’accent qu’ils mettent sur la communication et la collaboration de différents acteurs en ligne. C’est en effet dans ma manière de communiquer que la révolution a été la plus brutale, entrainant peu à peu ma pratique d’historien dans son sillage.

Jusqu’à l’an dernier, je lançais régulièrement des idées liées à mes travaux sur les réseaux sociaux pour en discuter avec mes contacts historiens et profiter dans certains cas des lumières d’amis étudiant dans d’autres disciplines. Cette année, je suis passé à l’étape suivante.
Je suis pour ainsi dire devenu une sorte de « geek de l’histoire », à la fois par mon activité de blogueur et par mon obsession permanente de la recherche de ressources en ligne. En effet, je pense pouvoir dire que je me suis totalement approprié l’outil du blog proposé lors du séminaire. A tel point que j’en ai ouvert un second, consacré à l’histoire lyonnaise. Une fois de plus, je connaissais l’outil. Il y a quelques années, j’ai tenté une vague expérience de blog consacré au heavy metal et aux débats internes à ce microcosme musical. Un échec total : des milliers de blogs sur le même sujet existaient et étaient bien meilleurs. En revanche, en tant qu’historien, et même si je ne suis pas – pas encore ? – professeur, j’ai été sensible à l’appel de Dan Cohen. Mon blog, à mon humble niveau, me semblait à la fois potentiellement utile à d’autres historiens – c’est d’ailleurs le but poursuivi par Digital Lugdunum – et capable de m’offrir une plateforme d’expression et de débat bien plus efficace que de simples idées jetées sur les réseaux sociaux. Soudain, je disposais d’un puissant outil de communication historique.
Ce tournant dans ma manière d’envisager la transmission des idées en histoire s’est accompagné d’un renforcement de mon obsession pour la recherche de ressources en ligne. Ce qui était au départ une nécessité – je n’avais pas de temps pour aller à la bibliothèque – est devenu un automatisme à partir du moment où j’ai pris du recul. M’interroger sur la présence en ligne de sources et de littérature historique m’a conduit à me préoccuper, à chaque fois qu’une ressource m’intéresse, de sa disponibilité ou non en ligne, même si l’ouvrage en question est disponible à la bibliothèque voisine et que je choisirai finalement de l’emprunter pour des raisons pratiques.

Si j’ai vécu cette nouvelle approche de la communication et de la recherche de matériau historique en ligne comme une révolution, les nouveaux outils me sont plus apparus comme une évolution naturelle.
J’utilisais déjà l’informatique pour prendre des notes, classer mes archives, trier des données, etc. Je suis maintenant passé à l’étape suivante sur le chemin du tout numérique, puisque j’imprime beaucoup moins et j’utilise des outils en ligne comme Zotero ou Diigo. Ma pratique dans ce domaine est cependant encore intermédiaire. Si je pense avoir dépassé l’étape de l’histoire numérique qui consiste à simplement utiliser de nouveaux moyens pour une même fin, certaines barrières technologiques et financières m’empêchent encore de franchir le pas. Alors que je pratique le mind-mapping sur papier depuis longtemps, sa version numérique m’a semblé trop nouvelle, trop éloignée de ce que je connaissais en termes d’ergonomie pour l’adopter.
En revanche, si je n’ai pas encore achevé mon passage à une pratique totalement numérique – dans la mesure du possible, étant donné que mes sources ne seront probablement jamais numérisées –, j’ai sans aucun doute entamé le chemin vers une histoire numérique comme nouvelle approche de l’histoire, ou à tout le moins comme pratique ouvrant de nouveaux horizons à l’historien.

De nouveaux horizons : l’histoire numérique comme front pionnier

Plus que les questions d’outils et de la manière dont ils influencent la pratique de la recherche, je voudrais revenir ici sur les conséquences de l’entrée dans l’ère du numérique sur l’écriture de l’histoire.
Nous l’avons dit, on trouve en ligne une multiplicité de ressources historiques. Concernant les travaux d’historiens, la plupart sont cependant de simples copies numériques d’articles parus dans des revues sur papier. Or plus que l’accès facilité à des ressources existantes, l’utilisation des NTIC offre l’opportunité de repenser notre manière d’écrire afin de l’adapter à ce nouveau support. On a ainsi vu se développer, aux Etats-Unis surtout, des projets d’histoire numérique tels que The Valley of the Shadow ou le Texas Slavery Project. Ces projets tentent de rassembler sur un même site internet l’intégralité des sources et de la littérature disponibles autour d’un sujet restreint dans une période de temps donnée. Ce matériau peut être traité – graphes, cartes de synthèse – et analysé – articles, ouvrages – ou non. Cette histoire « en kit », qui permet de traiter un nombre limité de sujets voisins, est une forme nouvelle d’écriture qui, si elle me semble intéressante comme ressource pédagogique ou historique, ne répond pas cependant à mes attentes d’historien en termes d’analyse. Le parti-pris de mettre en avant les sources nous prive d’un discours historique construit sur le sujet.
Si le numérique permet, ces sites le montrent, d’intégrer à une présentation de nombreuses sources et des contenus variés – images, vidéos, cartes interactives –, de lier chaque référence avec une version en ligne, ces contenus doivent à mon sens être reliés à un discours construit. Ce qui implique de repenser quelque peu notre approche de la production de ce discours.

La première option que je voudrais aborder soumet totalement les sources à l’analyse, et n’est en fait qu’une transcription en ligne de l’écriture traditionnelle de l’histoire.
 Les sources – qui peuvent être, c’est là la magie d’internet, aussi bien des textes que des images, des sons, des cartes interactives, etc. – donnent de la profondeur au propos. Ainsi, lorsqu’une source importante est citée, un lien hypertexte permet au lecteur d’accéder à une version numérique. Si cette méthode ne révolutionne en rien l’écriture de l’histoire, elle permet au lecteur d’accéder directement aux sources, et implique un travail de l’historien sur le choix du matériau à relier au texte.
La seconde option est bien plus novatrice, puisqu’elle remet en question la notion même d’une narration et d’un développement structuré sur l’ensemble du sujet. C’est ce que j’ai appelé une « écriture en réseau ». Les idées, les angles d’approche, les thèmes, qui engendrent traditionnellement des parties ou des sous-parties, sont ici représentés par des points de taille variable en fonction de leur importance. Ces points sont reliés au sujet principal et entre eux par un réseau de liens. Ces points peuvent être tout à la fois des textes d’analyse, reprenant ainsi leur rôle de sous-parties, des sources, des références bibliographiques – extraits ou textes intégraux –, des notices sur une personne, un lieu ou un événement particulier, etc. Dans ce contexte, rien n’interdit de faire en permanence évoluer son travail, en ajoutant ou en modifiant des points, des liens. On peut aussi imaginer que différents travaux soient reliés au sein d’un même réseau. De plus, dans une logique de travail collaboratif, on peut imaginer que les lecteurs soient invités à proposer des ajouts ou des modifications, la décision restant cependant entre les mains de l’auteur.
Une telle œuvre, totalement déstructurée – et donc difficilement lisible dans son ensemble – et par essence inachevée – des mises à jour peuvent sans cesse être apportées –, a donc plus vocation à devenir un complément de l’article ou du livre traditionnel qu’à le remplacer. Elle ouvre cependant des possibilités quasi infinies.

Conclusion : L’historien (numérique ?) que je veux être en ce jeudi 3 février 2011
Avertissement : Une première version de cette conclusion est présentée dans mon précédent article, tiré de ma préparation de ce bilan. N’oublions pas qu’il faut toujours commencer par la fin.

Il y a quelques mois, je me serais sans doute défini comme un historien du politique « militant », au sens où j’entends bien persister dans mon analyse des représentations politiques lyonnaises et remettre au centre de la réflexion dans ce domaine le « grand homme », ce qui, me semble-t-il, est loin d’être admis par la majorité des historiens français.

Aujourd’hui, mon intérêt pour le numérique ajoute une autre dimension à ma perception de moi-même en tant qu’historien. Outre l’utilisation des outils et de nouvelles méthodes, l’approche de la digital history a réveillé et renforcé mon intérêt pour la transmission du savoir. A tel point qu’aujourd’hui, je ne conçois plus la pratique de l’histoire sans transmission, sans enseignement, et donc sans vulgarisation. Car celle-ci n’a rien de vulgaire au sens où on l’entend aujourd’hui – le Trésor de la langue française la définit comme le « fait de diffuser dans le grand public des connaissances, des idées, des produits », sans nécessairement affaiblir son propos. A une époque où le grand public se passionne pour l’histoire, comme le prouve le succès des documentaires historiques à la télévision, transmettre – et vulgariser – est sans doute le devoir le plus noble et le plus absolu de l’historien, et ceci tout simplement pour que la pratique de l’histoire ne soit pas vaine.
           
Cette idée m’amène à évoquer la question de l’adaptation du discours de l’historien au public visé.
J’ai cité à plusieurs reprises, sur mon blog, les paroles d’Edouard Herriot – objet de mes recherches avec lequel mon empathie grandit de jour en jour – pour qui « il ne faut jamais abaisser son enseignement si l’on parle devant le peuple »[1]. A mon sens, il n’est ni nécessaire ni souhaitable de simplifier son propos lorsqu’on s’adresse à un public large. Eviter d’utiliser un langage trop technique et s’exprimer clairement doivent suffire à rendre accessible au plus grand nombre le discours historique et scientifique en général. En outre, le numérique offre dans ce domaine des possibilités intéressantes, rien n’empêchant de renvoyer à des pages explicatives lorsqu’on utilise des concepts difficiles. Il faut toutefois noter que cet usage de l’hypertexte implique d’accepter qu’un article puisse ne pas être lu intégralement.
Pour minimiser ce risque, la meilleure solution me semble être la publication de textes courts, ce qui n’est cependant pas une obligation absolue, certaines idées nécessitant un développement plus long. Dès lors, la maîtrise des procédés narratifs est essentielle au vulgarisateur. Si, en définitive, le pur chercheur, si tant est que cette espèce existe, peut – doit ? – se dispenser de faire du style, le « professeur » - ce terme me semble plus élégant que « vulgarisateur » – se doit d’écrire bien, de savoir capter l’attention de son public. C’est ce que je tente parfois de faire en proposant des articles écrits sur un ton plus humoristique.
Il est ainsi courant que les documentaristes demandent à des acteurs de devenir narrateurs – on peut citer Mathieu Kassovitz pour Apocalypse, série documentaire à succès sur la Seconde Guerre mondiale diffusée sur France 2 en 2009 –, leur art du langage et du discours permettant de maintenir l’attention du public en éveil.
            C’est cette idée, cet idéal d’un discours historique de bon niveau accessible au plus grand nombre que je désire mettre en œuvre par mon activité de blogueur – notamment sur Digital Lugdunum –, par l’écriture de mes travaux de recherche et par mon – probablement – futur métier d’enseignant, et ce quel que soit le niveau auquel j’enseignerai.



[1]  Edouard HERRIOT,  Jadis, Tome I, Paris, Flammarion, 1938, p. 139-140